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En même temps en cuisine

Edouard Herriot et son andouillette jubilent dans l’au-delà. La tambouille politique est odorante à souhait. C’est Top Chef à la sauce Frenchy Shore. Du gras, du sale, du rouge qui tache. L’acmé de l’en-même temps et de la bordélisation théorisées. Chapeau bas, messieurs les artistes ! Il ne faut jamais aller dans les arrière-cuisines. Traverser le miroir, telle Alice, apporte son lot permanent de désillusions. Et la cuisine, on le sait, l’Histoire vient le prouver, est un art à risque. Un art tragique. De Vatel à Taku Sékine en passant par Bernard Loiseau, la liste est longue. La recherche de la combinaison gustative optimale n’est pas sans danger. Ayons au passage une pensée pour les préparateurs japonais de plats de poisson fugu. Le moindre dérapage du couteau, et c’est le drame. Pensons aussi au plat de champignon ayant décimé la famille du narrateur du Roman d’un Tricheur de Sacha Guitry. Peut-être faut-il y voir une version métaphorique des dernières péripéties législatives… Le narrateur, puni, privé de repas pour un mensonge, évite d’ingérer le plat fatal. Et décide de placer sa vie sous le signe de la négation de la vérité. De petits arrangements avec la vérité en mensonges pathologiques, force est de constater que nous sommes entrés dans une ère où tout est relatif, où les vérités établies sont contestées au nom de ce que l’on a pu trouver sur les Internets (rendons au passage un hommage à George W. Bush qui, le premier, évoqua Internet en mode pluriel, déclenchant une forme d’hilarité récurrente chez les geeks à l’esprit caustique). Internet c’est la sérendipité. Le grand bazar où l’on trouve de tout. Au bonheur de tous.t.e.s (comme ce cher Émile Zola aurait dû reformuler son titre après consultation du sensitivity reader de sa maison d’édition).

 

Nous sommes entrés dans le temps du chaos. Où les populistes de tous poils et plumes se tiennent la main, font la chenille entre la buvette de l’Assemblée et la Salle des Quatre Colonnes. Folle sarabande des idiots utiles où l’on ne sait plus qui est qui. Confusion générale. Les partis dits de gouvernement cherchent leur boussole pour atteindre en même temps les 4 points cardinaux. Notre cuisine brûle et nous regardons ailleurs aurait pu dire un ancien Président, en décapsulant une Corona.

 

Que nous reste-t-il à faire ? Devons-nous enfouir notre tête dans le sable à la façon de l’autruche. Tenter les substances psychotropes, dont la traînée de poudre atteint même le Sénat et les Ministères ? Est-ce bien raisonnable ? Nous n’avons même plus besoin d’aller sur Netflix ou Amazon Prime pour plonger dans des séries nous racontant des univers dystopiques façon Black Mirror, la réalité nous a rattrapés. Et le réel est toujours plus fort que la fiction, car il se moque de la vraisemblance…

 

À cet instant de la narration, on s’interroge. Doit-on devenir aquoiboniste, faiseur de plaisantristes ? Ou opportuniste, et à la prochaine révolution retourner son pantalon ? Ou partir dans les univers parallèles, dans les mondes fictionnels de Miyazaki, par exemple, là où les forces de l’esprit s’affrontent pour tenter de redonner au monde sa sérénité et son harmonie. Ou se réfugier sous son édredon, une tasse de tilleul dans une main, une madeleine dans l’autre tout en partant à la recherche du temps perdu.

 

22/12/2023