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Moscou, vraie tragédie et fausses pistes

D’abord, il y a l’horreur des corps disloqués, suppliciés, martyrisés recouverts de poussière, de poutrelles de fer et de blocs de béton. Le nombre croissant des victimes, la détresse absolue de leurs proches, les mêmes réponses à la fois touchantes et dérisoires de ces fleurs et de ces peluches attendant désespérément des mains d’enfants pour les cajoler. À la fois choqués et incrédules, les Russes pleurent leurs morts. L’attentat de Moscou est une des nouvelles pages écrites en lettres de sang de notre histoire contemporaine.
Ensuite, il y a les leçons immédiates à tirer de cette tragédie avant qu’elle ne se dilue dans les commentaires et analyses « nourrissant » l’émulsion médiatique.

 

Première leçon. Daesh n’a pas été terrassée. Nous le savions, mais si nous avons feint de l’oublier, c’est parce que nous avons des difficultés à accepter que l’organisation terroriste, qui vit à l’époque des Omeyyades, évolue dans une autre temporalité que la nôtre. Vouloir l’inscrire dans notre logique ou dans notre chronologie est, tout simplement, un non-sens.

 

Deuxième leçon. Le pouvoir de Vladimir Poutine et sans aucun doute une dictature, mais comme toute dictature, il s’agit d’un colosse aux pieds d’argile. Il est répressif et faible. Les commentateurs ont-ils une mémoire de poisson rouge pour ne pas se rappeler la folle équipée de la milice Wagner qui avait conduit son chef aux portes de Moscou ?
La forteresse élevée par les propagandistes poutiniens expliquant que Poutine en nouveau tsar était le protecteur des chrétiens, et plus particulièrement, des chrétiens d’Orient, s’est écroulée dans un bruit de papier déchiré.

 

Troisième leçon. Le pouvoir moscovite ne connaît qu’un but, un seul : la victoire en Ukraine. Après avoir négligé la menace djihadiste, la version officielle russe persiste à accuser l’Ukraine d’implication dans l’attentat contre le Crocus City Hall. Les suspects torturés ont reconnu leur culpabilité. Et qu’importe si la mise en scène et l’état des terroristes rappelle les très riches heures de l’Inquisition.

 

Quatrième leçon. La géopolitique nécessite toujours de prendre en compte la globalité des problématiques si l’on veut éclairer un événement, surtout lorsque ce dernier est un « cygne noir ». Ainsi, les spécialistes de l’État islamique, comme Wassim Nasr, soulignent dans Le Figaro que Daech a « maintes raisons » de s’en prendre à la Russie, « ancienne adversaire en Afghanistan et en Tchétchénie, alliée de Bachar el-Assad en Syrie, et aujourd’hui face à l’EI au Sahel ».

 

Cinquième leçon. L’explosion des fake news à un niveau rarement atteint. Pour tous ceux qui se préoccupent en France de cybersécurité, c’est la plus importante des leçons. Ce tsunami d’intox est parti dans tous les sens comme si les fermes à trolls russes avaient été atteintes par une bombe à fragmentation. On a vu sur les réseaux sociaux, les relais fidèles de la propagande russe partir dans tous les sens, se contredisant et, parfois même, se prenant à partie en s’invectivant. La désinformation est telle que de plus en plus de Russes ne croient plus en aucun discours. « Au moins Poutine nous protège ! » se consolaient-ils. Mais ça, c’était avant…

 

29/03/2024