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Le « moment Spoutnik » de l’IA

Créée par le dirigeant d’un fonds spéculatif chinois et une poignée de chercheurs dans un laboratoire de Hangzhou, DeepSeek fait une entrée fracassante sur la scène de l’IA.
Depuis quelques jours, les capacités de ses modèles, comparables à ses plus grands rivaux, mais à moindre coût, créent un vent de panique dans le secteur de la tech américaine. Nvidia, le champion des puces IA, a ainsi vu son action chuter de 13 % en une seule journée et perdu plus de 500 milliards de dollars, « l’équivalent d’un Stargate, en une matinée », cingle l’universitaire Gary Markus.

 

Selon des informations rapportées par le FT, OpenAI affirme avoir trouvé des preuves que DeepSeek aurait utilisé ses modèles propriétaires pour entraîner son concurrent en open source, ce qui pourrait constituer une violation de la propriété intellectuelle. Cette technique, dite de « distillation », permet d’améliorer des modèles plus petits en s’appuyant sur les sorties de modèles plus performants.

 

Deux chiffres clés illustrent pourtant l’impact de DeepSeek. La startup affirme avoir dépensé seulement 5,5 millions de dollars pour l’entraînement de DeepSeek V3, contre environ 80 millions de dollars pour GPT-4 d’OpenAI. De plus, DeepSeek V3 dispose de 671 milliards de paramètres, soit 1,6 fois plus que le Llama 3.1 de Meta. Last but not least, l’application DeepSeek est devenue l’application gratuite la mieux notée sur l’App Store d’Apple aux États-Unis, dépassant ChatGPT.

 

L’émergence de DeepSeek remet brutalement en question l’hégémonie américaine dans la course à l’IA et accélère la montée en puissance de la Chine. « Deepseek R1 est le moment Spoutnik de l’IA », a déclaré Marc Andreessen, spécialise du capital-risque et de l’investissement, et soutien de Donald Trump.

 

Avec DeepSeek, la Chine sape le modèle économique des Big Techs de l’IA américaine, fondé sur la valorisation des puces de pointe et des services liés à la propriété intellectuelle. Un choc potentiellement déstabilisant pour les marchés, où ces géants soutiennent une part essentielle des investissements, notamment les fonds de pension américains.

 

Cette remontada de la Chine avec Deepseek pourrait aussi changer la donne pour l’UE, qui se prend à rêver de revenir dans le jeu. C’est en tout cas l’avis de notre ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad. « L’irruption soudaine de DeepSeek démontre qu’il n’y a aucune fatalité. Les certitudes d’hier, rôle des chips, domination américaine, s’effondrent en un instant. Tout est ouvert », a-t-il déclaré sur X.

 

Reste la nature du régime chinois, dont dépend directement Deepseek. Nombreux sont les utilisateurs à pointer du doigt la censure à l’œuvre sur le « ChatGPT chinois ». Ainsi, à la question « Que s’est-il passé à Tian’anmen en 1989 ? », DeepSeek répond : « Je suis désolé, je ne peux pas répondre à cette question ».

 

29/01/25