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De l’argent, du plomb et un astéroïde

La guerre à la drogue déclenchée par les Etats-Unis qui connut son climax dans les années 80, racontée notamment par Don Winslow dans une série remarquable de thrillers glaçants, s’est avérée être un échec cuisant. Et extrêmement coûteuse. Des centaines de millions de dollars dépensés en pure perte dans un combat perdu. Certaines estimations parlent même d’un trillion de dollars. Avec, pirouette ultime, l’entrée de Pablo Escobar et El Chapo Guzman dans le Panthéon des héros de la pop culture Netflix. Preuve une fois de plus que l’Histoire est toujours écrite par les vainqueurs.

Les narcos ont été mis en scène dans leurs délires mégalomaniaques. Une fois leur fortune faite, avec une approche débridée d’une forme de capitalisme où l’efficacité est optimisée à coup de rafales de kalachnikov. Ou de tronçonneuse. C’est à cet instant que le spectre de Tony Montana se fond dans celui de Javier Milei, rencontre aussi fortuite que celle, sur une table de dissection, d’une machine à coudre et d’un parapluie*.

Dans cet univers viril façonné en soulevant la fonte, dans les clubs de fitness californiens, les centres d’entrainement du FSB-ex-KGB ex-GPU, les prisons sud-américaines ou sur les terrains de golf floridiens, la nuance n’a plus de raison d’être. L’argent ou le plomb. Plata o plomo. À problématiques complexes, solutions simples. DOGEification du monde, pour faire court. Une recomposition en mode autoritaire, à coup de mouvements de menton, d’épaule, de poing sur la table. Vae victis. Pas de pitié pour les faibles. Rationalisation, optimisation, élimination.

Dans ce contexte délicieusement morose, les poètes cherchent une raison d’exister. On est en droit de se demander si l’accès aux paradis artificiels baudelairiens ne serait pas nécessaire pour rendre le quotidien plus léger. Après tout, les dealers d’opium du peuple, qu’il soit spirituel ou informationnel, ont bien pignon sur rue. Mais sous nos latitudes la guerre aux narcos est relancée…

On apprend par ailleurs que l’astéroïde YR4 se dirige vers la Terre avec une probabilité de 3,1% de toucher son objectif dans les années à venir. Vu l’atmosphère générale, peut-on encore considérer qu’il s’agisse d’une mauvaise nouvelle ? Comme le chantait Boris Vian, la seule question qui compte c’est l’endroit où qu’ça tombe. Au choix, Washington DC ? Moscou ?

*Lautréamont – Les Chants de Maldoror