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Si vis bellum…

On ressort les casques à pointe, les rangers cloutées, le Famas, on réactive la Ligne Maginot et la Ligne Siegfried, it’s a long way to Tipperary, et hop, tout ça, ça fait d’excellents Français. Pendant ce temps, certains s’interrogent même déjà s’il faut mourir pour Dantzig. Étrange impression de déjà-vu pour les amateurs d’histoires et d’Histoire. Retour vers le futur, et bienvenue 2025.
Difficile d’en rire.

Les boomers ont été bercés par les récits traumatiques de l’Occupation vécue par leurs parents, eux-mêmes élevés dans les récits de leurs parents avec souvenirs de Verdun. De l’Indochine, on a retenu qu’il fallait se méfier des cuvettes entourées de collines. Du Vietnam, on a vécu l’exorcisme d’Apocalypse Now et du Voyage au Bout de l’Enfer. L’Algérie a été occultée mais son fantôme continue de hanter l’inconscient national. Les générations qui ont suivi ont vécu la Guerre du Golfe #1 sur CNN avec de belles images verdâtres. Et se sont entraînées au combat sur Counter Strike. L’explosion de la Yougoslavie s’est étrangement effacée des mémoires. Les autres guerres, pourtant omniprésentes mais lointaines, ont pris une forme abstraite. Quelque chose de cinématographique plus ou moins belliciste en fonction des époques, plus ou moins esthétique en fonction de l’air du temps. Bien sûr, les pacifistes forcenés clameront toujours que la guerre c’est mal et la paix c’est mieux. On en conviendra. Tout comme le beau temps est plus agréable pour les déjeuners en terrasse que la pluie battante.

Aujourd’hui, l’ennemi est démasqué. On réarme. L’allié qui débarquait tous les 30 ans avec force moyens n’est plus aussi sympathique qu’il le fut. Ou du moins il masque moins son jeu. Fini la Poker Face. Finis les faux semblants. Finie la diplomatie et ses circonvolutions lexicales feutrées. La brutalisation des rapports nous amène irrémédiablement à méditer cette citation fameuse : « Argumenter avec des imbéciles, c’est comme jouer aux échecs contre un pigeon. Peu importe votre niveau, le pigeon va juste renverser toutes les pièces, chier sur le plateau et se pavaner fièrement comme s’il avait gagné. » À vos claviers, vous avez 4 heures.

Pendant ce temps, derrière les murailles du Kremlin, le tchékiste en chef esquisse un sourire. Jusqu’ici, le plan se déroule comme prévu.