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Avoir la main qui tremble. Ou pas.

Selon la formule consacrée, « à l’heure où nous bouclons ». A l’heure où nous écrivons, donc, nous ne disposons pas de tous les éléments pour savoir comment et avec quelles conséquences, il sera mis fin aux scènes de chaos qui se déroulent dans une Nouvelle-Calédonie située à quelque 18.000 km de la métropole.

 

Après, l’instauration d’un couvre-feu nocturne à Nouméa qui n’a pas fait retomber la tension, Paris a décidé de placer en état d’urgence l’archipel du Pacifique Sud où vivent 271.400 habitants. Si quatre personnes dont un gendarme sont mortes dans la nuit de mardi à mercredi dernier et des centaines d’autres blessées, la nuit de jeudi à vendredi a été plus calme dans l’agglomération de Nouméa en dépit de quelques points d’affrontement.

 

Pour autant, Jean-François Merle, conseiller de Michel Rocard pour les Outre-mer lors de la négociation des accords de Matignon, estime que l’archipel, devenue territoire français en 1853 sous Napoléon III, serait au bord de la « guerre civile ». Ce dernier a sûrement à l’esprit les barrages où se font face les jeunes émeutiers Kanak voulant entraver la circulation des habitants et des forces d’intervention et les habitants, souvent des « Caldoches » tentant de protéger leurs familles et leurs biens.

 

Plus que les incantations politiques jamais dénuées d’arrière-pensées, tous les témoignages des personnes qui se trouvent, aujourd’hui, sur place dépeignent des scènes apocalyptiques. Ils tendent à montrer que la situation est – au minimum – comparable avec les événements des années 80 qui avaient débouché sur la prise d’otages de la grotte d’Ouvéa. Ce tragique épisode qui a marqué toute une génération.

 

Partout, règnent des scènes de désolation. Voitures brûlées, boutiques et stations-service pillées puis incendiées. Les dégâts sont, d’ores et déjà, considérables alors que l’économie de l’île est déjà plombée par la crise de l’exploitation du nickel, une mono-industrie, premier employeur privé de Nouvelle-Calédonie, avec un quart des emplois et 20 % du PIB. Le territoire ultramarin détient un quart des réserves mondiales du minerai. De quoi donner des idées aux puissances voisines telles que la Chine ou l’Australie.

 

« Il est parfois nécessaire de changer certaines lois mais le cas est rare, et lorsqu’il arrive, il ne faut y toucher que d’une main tremblante. » écrivait Montesquieu.

 

Pour expliquer ces émeutes, il est tentant de mettre en avant une réforme du corps électoral local menée à la hussarde et contestée par les indépendantistes kanaks qui redoutent d’être mis en minorité, mais il y a bien d’autres raisons derrière. Ne serait-ce que le coût de la vie supérieure de 31% à celui de la métropole. Et ce sont surtout les courses du quotidien qui sont en cause avec des produits alimentaires qui coûtent en moyenne 78% plus cher. Aussi 51000 Calédoniens, soit un habitant sur cinq, vivent au-dessous du seuil de pauvreté.

 

17/05/24