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Duel au Brésil

« Suspension immédiate, complète et intégrale » : tels sont les mots choisis par le juge Alexandre de Moraes pour annoncer la suspension du réseau social X au Brésil, confirmée ce lundi par cinq magistrats de la Cour suprême. En cause, le refus d’Elon Musk de nommer un représentant légal dans le pays et de se conformer à une série de décisions judiciaires liées à la lutte contre la désinformation.

 

Près de 22 millions d’abonnés, soit 10% de la population brésilienne, sont désormais privés d’accès à X. Depuis, 1 million de brésilien auraient déjà migré vers d’autres réseaux (Threads, Bluesky, entre autres) ou fait le choix d’utiliser des VPN pour contourner le blocage, malgré la menace d’une amende de 8000€ par jour.

 

Ennemi juré d’Elon Musk, le juge Moraes dénonce la « tentative » de X d’échapper à « l’ordre juridique et au pouvoir judiciaire, pour instaurer un climat de totale impunité et d’anarchie sur les réseaux sociaux brésiliens » dans le contexte hautement inflammable de la campagne des élections municipales, prévues dans un mois. Alexandre Moraes a également gelé les comptes bancaires de Starlink afin de mettre une pression supplémentaire sur Elon Musk, provoquant la fureur du milliardaire, qui crie à la censure et n’hésite pas à le caricaturer en « Voldemort » dans ses posts.
Plusieurs autres pays ont interdit X (ou son ancêtre Twitter) : c’est le cas de la Chine et de l’Iran depuis 2009, du Turkménistan (2010), de la Corée du Nord (2016) et de la Birmanie (2021). Plus récemment, X est formellement bloqué en Russie depuis mai 2022, au Pakistan depuis février 2024 et au Venezuela depuis le 9 août dernier.

 

Pour les défenseurs de la liberté de la presse, le Brésil n’est cependant pas comparable à ces pays. Ainsi, Reporters Sans Frontières estime cette décision « justifiée au regard du refus constant de la plateforme de répondre aux demandes répétées des autorités de se conformer à la loi ». Sur la même ligne, 250 groupes de défense des droits et experts issus de la Global Coalition for Tech Justice appellent les régulateurs du monde entier à suivre l’exemple du Brésil : « au cours des derniers mois, Elon Musk s’est battu publiquement contre les autorités brésiliennes au sujet des demandes émises par la Cour suprême du pays pour la suspension de centaines de comptes et de messages diffusant de la désinformation et des incitations à la violence (…) Il n’est pas surprenant que la Cour suprême du Brésil ait décidé de suspendre temporairement l’activité de X dans le pays (…) Malheureusement, cela fait partie d’un schéma familier dans lequel Elon Musk défie la loi et échappe à l’obligation de rendre des comptes. »

 

Cette opposition frontale avec le Brésil n’est sans doute pas un bon calcul pour Elon Musk. Le Brésil constitue son sixième marché au niveau mondial, et X affiche des performances en berne depuis la prise de pouvoir du milliardaire. D’après le New York Times, le réseau social n’a réalisé que 114 millions de chiffre d’affaires aux Etats-Unis au second trimestre 2024. Une baisse de 25% par rapport au premier et de 53% comparé à la même période l’année dernière.

 

04/09/24