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En Européen

C’était cette semaine dans l’émission Quotidien sur TMC, le conseiller en communication de la championne du parti présidentiel pour les élections européennes, la reprenait quand elle répétait son discours. Il fallait qu’elle abandonne la locution « en Européen ». Il reprochait le côté lointain, le côté techno, le côté irréel pour les citoyens.

 

Tout le sujet des prochaines élections européennes se trouve dans les mots qui vont ou non nous porter à aller remplir notre devoir de citoyen, voter.
Pour les commentateurs et les instituts de sondage, le match est plié. Le RN va gagner avec 30 %. L’élément de langage pour contrer cette certitude est : le RN ne sert à rien dans les institutions européennes, il ne peut pas faire passer de lois, il est et restera minoritaire. Circulez y’a rien à voter.

 

Et le paradoxe est là. Le RN fait une campagne pour montrer sa puissance en France. Il utilise, à raison, cette élection pour rabâcher ses thèmes et taper sur le président Emmanuel Macron. Le parti d’extrême droite sait son incapacité dans les instances européennes alors il joue sa carte habituelle de la France aux Français chère à la famille Le Pen.

 

Pendant ce temps-là, les partis de gouvernement essayent d’expliquer localement tous les bienfaits de l’Europe.

 

Le résultat est sans appel un parti parle aux Français des Français pendant que les autres parlent aux Français des Européens. À votre avis qui gagne le match du discours de vérité, de proximité ? Qui emporte l’intérêt ? Qui parle de « moi » ?

 

La communication politique est l’art de donner au plus grand nombre l’impression qu’on parle de chacun. Elle est le résultat de deux siècles de montée en puissance de la démocratie. On ne s’échange plus des coups de pistolets pour gérer un différend, mais des mots. La « ComPol » est le nouveau contradictoire.

 

Comme pouvaient l’expliquer Cayrol, Ferry, Habermas, ou encore Wolton, la communication politique apparaît comme le contraire d’une dégradation de la politique, mais comme la condition du fonctionnement de notre espace public élargi. Chaque parti a bien compris cette logique et les meilleurs parmi eux ont su non pas élargir leur discours, mais le préciser pour toucher au cœur. Et c’est ainsi que sont arrivés les éléments de langage qui ont fini par refouler les citoyens des propos politiques devenus formatés et répétitifs. Alors, les communicants ont fait évoluer les mots vers l’émotion, le terrain parfait des extrêmes comme l’explique fort à propos Gustave Le Bon dans son livre Psychologie des foules… de 1895.

 

La question d’une nouvelle communication politique devient le sujet sur lequel il nous faut nous pencher au plus vite pour ne pas repartir dans ce que la communication politique voulait éviter : le règlement de compte à l’heure où blanchit la campagne…

 

05/04/2024