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Faut-il vraiment quitter X ?

Ces dernières semaines, plusieurs personnalités publiques ont annoncé quitter la plateforme d’Elon Musk, devenue trop toxique à leurs yeux. Il y eut d’abord Anne Hidalgo, fin novembre, pour qui X n’est plus qu’un « vaste égout mondial ». Plus récemment, c’était au tour de Christian Estrosi d’annoncer son départ de X dans une interview à La Tribune. Le monde du spectacle est également concerné : Elton John, « attristé de voir à quel point la désinformation est utilisée pour diviser notre monde », Jim Carrey, Patricia Arquette, Whoopi Goldberg, Toni Braxton, ou encore Amber Heard, tou(te)s ont fermé leur compte en 2023. Côté médias, Quotidien a annoncé en pleine émission la fermeture de sa présence sur X, faisant une croix sur plus de 850 000 followers.

 

Rappelons quelques chiffres. En France, X annonce 11,5 millions d’utilisateurs actifs mensuels et 250 millions de personnes se connecteraient chaque jour dans le monde à la plateforme. Dans les cinq jours qui ont suivi son lancement en France à la mi-décembre, l’application concurrente Threads (Meta) a été téléchargée 2,6 millions de fois en Europe, dont environ 440 000 fois en France. On le voit, beaucoup de chemin reste à parcourir pour que Threads rivalise avec X, mais un mouvement semble se dessiner.

 

On peut regretter le « Twitter d’avant », sans doute mieux modéré, moins pollué par la désinformation et qui avait su se débarrasser des comptes les plus nocifs (réautorisés depuis par Musk…). On se souvient des grands événements d’actualité qui se sont déroulés en direct, sous nos yeux, sur Twitter depuis plus de quinze ans. Depuis l’avion qui avait atterri dans l’Hudson en 2011 – pour la première fois, une photographie issue de Twitter avait alors fait la Une des journaux du monde entier – jusqu’au mouvement de libération de la parole des femmes, incarné par le hashtag #MeToo, ou encore à l’émotion mondiale résumée dans #JesuisCharlie après les attentats de Paris, la promesse d’origine de Twitter « What’s happening ? » était bien tenue.

 

On peut s’interroger sur la stratégie d’Elon Musk qui semble prendre un malin plaisir à détricoter tout ce qui faisait le charme de Twitter, mais dans le contexte actuel d’explosion des guerres informationnelles sur tous les continents, doit-on abandonner le terrain aux trolls et aux extrémistes de tous poils ? N’est-ce pas la responsabilité des médias et des journalistes de continuer à y ferrailler pour faire entendre une information sourcée et fiable ? N’est-ce pas aux personnalités publiques de continuer à porter une voix raisonnée, et raisonnable, dans les échanges ? Le risque est devant nous : celui de vivre dans une société toujours plus divisée, où les débats auront lieu en circuit fermé, et où les générations ne se parleront plus. Nicolas Vanbremeersch résumait parfaitement le problème dans une interview récente :  » Ce qui peut être plus inquiétant est la dissociation entre un espace politique sur Twitter/X, animé par quelques communautés, déserté par des politiques et les modérés, construisant un agenda politique de plus en plus conflictuel, et, de l’autre, des pratiques sur les réseaux émergents (Tik Tok notamment) majoritaires chez les jeunes, et qui restent désertés par de nombreux politiques et porteurs de savoirs ».

 

Après « l’archipel français », l’archipel des réseaux sociaux ?

 

29/12/2023