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Lettres et le Néant

Sébastien Delogu est un député LFI qui avait eu son quart d’heure de célébrité en brandissant un drapeau palestinien dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Il était plus tard retombé dans l’oubli jusqu’au moment où il avait mimé l’affrontement avec un parlementaire. Issu de la garde rapprochée du parrain des Insoumis, il a compris que le buzz médiatique est bien plus confortable que de s’initier aux règles exigeantes du parlementarisme. Aussi se présente-t-il volontiers comme le futur maire de Marseille où il est vrai, son mouvement a obtenu d’excellents résultats aux dernières législatives.

 

Le problème est que ce type de buzz retourne souvent à l’employeur. C’est ce qui est arrivé quand une vidéo manipulée a circulé sur les réseaux sociaux au point d’être virale sur TikTok. Dans cet extrait, on y voyait l’élu de La France insoumise en commission des finances, consacrée au budget 2024, lire un texte avec lenteur et en butant sur des mots. Les milliers de commentaires qui l’ont accompagnée étaient d’une rare violence se moquant du « niveau de lecture » du député en particulier et de l’illettrisme, ce fléau, en général.

 

L’affaire aurait pu s’arrêter là si les collègues parlementaires de l’élu de Marseille n’étaient pas montés au créneau non seulement pour le défendre, mais aussi pour condamner ce préjugé de classe consistant à faire de la lecture un « élément discriminant », excluant de fait, toute une partie de la population française.

 

Et là, on assista, comme souvent dans ce type de polémique, à un retournement. Il n’était plus question d’un homme qui se débattait avec un texte, mais du fait que l’Assemblée nationale devait être représentée dans toute sa diversité et que conditionner le mandat de député à la compréhension d’un rapport était un signe d’élitisme.

 

Bien malin, Delogu récidiva quelques jours plus tard quand il laissa entendre qu’il n’avait pas seulement des difficultés en lecture et en calcul, mais également quelques lacunes en Histoire.
Interrogé, jeudi matin, dans l’émission politique de Jean-Jacques Bourdin, sur la comparaison faite par un député LFI entre le président de la République et le maréchal Pétain, il répondit après avoir qualifié ses opposants de « pourriture » : « Je ne sais pas qui est Pétain. J’ai entendu parler de lui, je sais qu’apparemment c’est un raciste… ».

 

Là encore des éditorialistes, cette fois plutôt de gauche, se sont émus de cette méconnaissance, estimant que celui qui éclate de rire quand François Ruffin est comparé à Doriot n’a pas le bagage intellectuel minimal qu’on est en droit d’attendre d’un député. Une nouvelle pièce dans la machine. La réponse de LFI et de leurs compagnons de route dénonça derechef le mépris social dont faisait preuve le camp social-démocrate.

 

Au-delà de ces polémiques, affleure l’idée que l’inculture peut être désormais la preuve d’un engagement politique. L’idée que le dégagisme à l’égard des élites nécessite de passer par-dessus bord le savoir et la connaissance. Ces nouveaux robespierristes paraissent avoir adopté cette injonction devenue célèbre sous la révolution française : « la République n’a pas besoin de savants ! ». Les Gilets jaunes en avaient rêvé, LFI le popularise et qu’importe si l’un des meilleurs ministres de l’Économie de la Cinquième fut dans sa jeunesse ajusteur, il s’appelait Pierre Bérégovoy.

 

13/09/24