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Lucie in the sky with Elon

Qui préfère regarder son étagère à sa fenêtre ? Admirant les lointains, le regard a la bougeotte. Il se pose sur la vive Amérique ou se reporte sur cette Chine qui dépasse son retard. Deepseek-R1 chahute OpenAI et culbute le Nasdaq pour de l’efficacité 90% moins chère et open-source. Le thème de la semaine étant la surenchère, Alibaba lance Qwen3.5-Max et Moonshot lance Kimi K1.5. Ce n’est même plus une guerre de l’opium si la Chine joue toute seule. De son côté, le Français suit le lancement de son IA nationale, Lucie, censée réconcilier école et technologie. Bonnet d’âne et zéro pointé. Hérode, théoricien de la bombe atomique et une opération 5(3+2) qui fait tour à tour 17 et 50. Lucy (australopithèque IA), a tenu deux jours. L’Européen rejoint Valéry : « je suis impatient des choses vagues », mais malgré lui, les précises lui sont juste trop complexes.

 

En noir et blanc puis en copie-couleur, l’histoire s’est imprimée sur des livres qu’elle a empoussiérés. Elle a figé et tout s’est empilé, pendant que la géographie a couru, flotté, dévalé. Grande vitesse de croisière et multiplication des croisières. Des Indes aux Amériques, de la petite île à la grande, la géographie a navigué toutes les mers avec souplesse et agilité. La fin du XXe siècle, ses changements d’équilibre (et Gym Tonic) nous avaient prévenus : le délié est d’or. Les bonds en avant ne se soldent pas seulement en désastres. Mieux vaut savoir se mouvoir lorsque le sautillement est d’époque. Le moderne est sommé de bouger, mais, combi-short fluo The Substance oblige, de bouger avec style. En bref, l’histoire s’empierre pendant que la géographie prend l’air.

 

Cette Europe-histoire perd la bataille, surtout quand la géographie s’étoffe. Le monde horizontal est dépassé, bienvenue ère verticale. Finie, la géographie de l’à-côté, place à la géographie de l’au-dessus. (Mais rassurez les touristes de Notre-Dame, pas de l’au-delà.) On gagne les étoiles. Tandis que les habitués aux dissertations politiques s’échinent sur le politique Musk, le géographe Musk trace les cartes de l’espace. 136 lancements pour SpaceX l’année dernière, et un tous les deux jours depuis le début de l’année, sans compter des boosters réutilisés 372 fois. Du jamais vu. Des parties de fusées de 50 mètres de haut (15 étages en équivalent immeuble) lancées à 27 000 km/h rattrapées par des chopsticks, ces maigres bras métalliques réceptionnant des corps poussés quelques instants plus tôt à Mach 22. Aucun sage ne montre la lune donc personne ne regarde la fusée. En s’exclamant « on n’est bien que sur notre bonne vieille Terre », Haddock a capturé l’œil captivé par le simple voisinage d’à-côté. Dommage, pas d’au-dessus. Leçon pour l’Européen : quitte à se perdre en géographie, autant errer sur le bon axe incliné.

 

Mauvais en géographie, misons sur l’Histoire, bien qu’elle n’ait pas trop la cote. L’Europe, continent des siècles et non des secondes, aura toujours du mal avec les lancers.

 

31/01/25