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16 ans, résistant - Robert Birenbaum - Babelio« Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ? Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ? ». Robert Birenbaum a entendu ce vol et ces cris sourds.
Nous sommes en 1942, il a 16 ans, il entre en résistance. Sans que ses parents le sachent. Il veut les protéger, la rafle du Vél d’Hiv vient d’avoir lieu.

 

Pendant deux ans, il va tancer, désorganiser, perturber comme il peut l’armée nazi et ses collabos. Il va recruter d’autre résistants et faire grandir l’emmerdement maximum de l’occupant et ses alliés. Entre naïveté et force vive, il va repousser ses peurs, ses ignorances, son statut pour apprendre, progresser, devenir un homme. En renonçant à son adolescence pour plonger trop tôt dans son adultie, il fait ce qu’il croit être son devoir.

 

Le 18 juin dernier, Robert a été décoré par le président de la République au Mont Valérien. La semaine dernière, Emmanuel Macron l’a fait entrer sous son parapluie dans le Panthéon alors que la République rendait hommage à Mélinée et Missak Manouchian, symboles des résistants étrangers. « Ces Français de préférence, Français d’espérance » comme l’écrivait Aragon, reprit par le Chef de l’État lors de son propos à la fin de la panthéonisation.

 

Aujourd’hui, Robert a 97 ans et demi. Il tient à ce demi. Il a écrit un livre*. Pas sur ses mémoires de sa longue vie, mais sur l’engagement de ses seize ans. Si le texte embarque par sa singularité, son authenticité, son humanité, il interroge sur ce qui se passerait dans la tête de l’adolescent de 2024. Que ferait-il alors que le bruit des bottes n’a jamais été aussi présent depuis le début du siècle ? Quand il s’engage – en caricaturant un peu –, c’est virtuellement sans aller aux manifestations et son goût de l’effort existe au mieux pour un peu de sport au pire pour quitter son écran.

 

En creux, son texte interroge sur notre réalité. Par exemple, aujourd’hui, l’engagement physique de Robert a laissé sa place au risque de mort sociale. Le décès réel est somme toute faible. Son propos n’est en rien la mise en abîme d’un « c’était mieux avant », il est juste un témoignage à transmettre au plus grand nombre d’un moment de l’Histoire où des femmes et des hommes se sont levés pour dire non, quitte à en mourir. Les écoles devraient s’en emparer.

 

Dans ses déclarations aux médias, Robert explique qu’il se sent coupable d’être encore en vie quand nombreux de ses camarades sont tombés. Il rajoute aussi que, comme lui, ils n’ont fait que ce qu’ils croyaient juste. Il raconte enfin que ceux qui l’avaient traité de sale juif, l’ont applaudi à la Libération. Entre abnégation et humilité, Robert montre une voie, un éveil.

 

*« 16 ans, résistant » de Robert Birenbaum, aux éditions Stock

 

01/03/2024