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TikTok : le double ultimatum

C’est fait, aux Etats-Unis, le Congrès vient d’adopter la loi exigeant de TikTok qu’elle coupe tous liens avec sa maison mère ByteDance, et donc avec la Chine, soupçonnée d’utiliser la plateforme pour espionner les Américains. Le directeur du FBI voit même dans ce réseau un « problème pour la sécurité nationale ». Comme promis, Joe Biden va promulguer le texte qui obligera le géant chinois à vendre l’application dans les douze prochains mois, sous peine de bannissement du territoire américain. Problème, l’interdiction de TikTok aux Etats-Unis semble peu probable à court terme. La justice sera sans doute saisie, et les juges fédéraux, garants de la liberté d’expression, pourront bloquer l’interdiction comme ce fut le cas dans le Montana, en 2023.

 

En Europe aussi, TikTok est sous le feu des critiques après le lancement discret de sa version TikTok Lite qui promet de rémunérer les visionnages… en bons cadeaux Amazon. Une initiative qui ne passe pas aux yeux de la Commission. Elle vient d’annoncer l’ouverture de procédures à l’encontre de la plateforme, qui pourrait, elle aussi, être prochainement bannie.

 

Pendant ce temps, l’audience de TikTok ne cesse de progresser sur les continents européens et américains. Avec ses 170 millions d’utilisateurs aux Etats-Unis, la plateforme est devenue un véritable carrefour de business, et son interdiction suscite aujourd’hui l’inquiétude des influenceurs, dont les revenus reposent en grande partie sur leur présence TikTok, un réseau qui phagocyte tous les autres. Citée dans le Figaro, une américaine estime ainsi qu’elle pourrait perdre 5000 euros par mois : « Ils disent que le réseau social représente un risque pour notre sécurité mais c’est un mensonge ! », poursuit-elle, en colère. « On sait très bien que les réseaux sociaux de Meta (Facebook, Instagram) collectent aussi nos données. Pourtant ils ne seront jamais interdits. »

 

Le paradoxe est là : Les créateurs de contenus occidentaux, devenus accros à TikTok, sont devenus ses meilleurs avocats. Autre paradoxe, comme le souligne Harold Thibault dans Le Monde, « les Etats-Unis risquent de perdre une partie de leur ascendant moral, ce qui est une excellente chose pour la Chine. Les grands défenseurs d’un Internet ouvert et de la libre ¬concurrence, qui n’ont de cesse de dénoncer les méthodes chinoises, bloqueraient à leur tour l’accès au marché à un réseau social qui a su convaincre 170 millions d’Américains ». Et le piège de se refermer sur les démocraties occidentales, qui se verront à n’en pas douter accusées par la Chine de contrevenir à leurs propres valeurs de liberté.

 

26/04/2024