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Un monde sans Pit(t)ié

Et si Lana et Lilly Wachowski avaient vu juste ? Et si tout n’était qu’illusion ? Et si nous vivions au cœur d’une Matrice où le réel ne serait qu’illusion ? Et si nous ne voyions du fond de la caverne que des ombres dont nous sommes convaincus qu’elles sont la réalité ? Et s’il n’y avait que de multiples réalités parallèles ? Et si dans un immense mouvement d’individualisme forcené, nous étions condamnés ou avions fait le choix d’adhérer à notre propre conception de la réalité ? Steve Jobs maîtrisait à merveille le champ de distorsion de la réalité, un mélange d’auto-persuasion, de charme, de charisme ayant pour effet de convaincre toute personne en sa présence de la véracité de son point de vue et de sa vision du réel. Ce pouvoir s’est démocratisé, et nous, foules sentimentales, ayant vu tous les mythes fédérateurs du XXème siècle s’effondrer les uns après les autres, sommes désespérément à la recherche de boussoles et de référentiels dans un monde où tout s’accélère de façon vertigineuse.

 

On répète en boucle les mots d’André Malraux, le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas. Entre ici André en ton terrible cortège, tu n’avais pas totalement tort, ni totalement raison. Le XXIème siècle marque le retour des croyances en tous genre. L’individu hyper connecté cherche à croire en quelque chose. Il est connecté mais paradoxalement seul face à ses angoisses existentielles. Il cherche à se rassurer en rejoignant des groupes virtuels où d’autres solitaires cultivent leur particularisme, avec la conviction de penser juste puisque d’autres pensent pareil. Les six degrés de séparation imaginés par Frigyes Karinthy se sont réduits. Nous ne sommes plus qu’à quelques clics de n’importe qui sur Terre. Les célébrités, au travers de leurs réseaux sociaux, nous donnent l’illusion de la proximité. Nous avons besoin de croire que l’inaccessible est à portée de clic. Ajoutons pour faire bonne mesure quelques biais cognitifs qui nous confortent dans nos croyances. Et nous sommes prêts à tout. Même à dilapider nos deniers pour venir en aide à un acteur en mauvaise santé. L’idiocracie gagne du terrain. Mais qui est l’idiot ? Qui est le sage ? Il est trop simple de se gausser ou d’organiser des dîners du mercredi. Nous avons nos propres croyances, nos propres biais.

 

Cela étant, le rire étant le propre de l’Homme, ne nous interdisons pas le plaisir d’une bonne tranche de rigolade, ne serait-ce que pour recevoir un shoot d’endorphines. Il sera toujours temps de tenter de se persuader que l’Homme est bon par nature. Pour donner raison à Rousseau (Jean-Jacques, est-il besoin de le préciser en ces temps confus).

 

17/01/25