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Réformes

CAHIER DE TENDANCE #121 | 20 JANVIER 2023

Gratuit Enseignante Stricte Avec Livre Pointant Sur Tableau Noir Griffonné PhotosIl faudra bien s’interroger un jour sur l’utilisation faite à tort et à travers du mot « pédagogie », ce couteau-suisse de l’argumentaire pour répondre aux crises. Durant plusieurs semaines, l’exécutif a plaidé en faveur d’une « pédagogie » accrue pour expliquer la réforme des retraites. Résultat : les derniers sondages montrent que les Français sont de plus en plus nombreux à se dire « très opposés » à cette réforme. Pourtant, dans le même temps, ils sont convaincus majoritairement de la nécessité d’une réforme. Oui mais… pas celle présentée par le gouvernement d’Elisabeth Borne.

 

Nos concitoyens seraient-ils incorrigiblement réticents à toute réforme ? On connaît l’antienne. Là aussi, les mots ont leur importance. Une réforme signifie pour le Larousse, le changement de caractère profond, radical apporté à quelque chose en particulier à une institution, et visant à améliorer son fonctionnement. Sans remonter jusqu’à la réforme mise en place par Edouard Balladur en 1993, il y a eu la réforme Fillon en 2003 où il fut décidé que tout le monde – que ce soit dans le public ou le privé – devrait désormais cotiser 40 années pour toucher le taux complet de pension. Puis la réforme Woerth qui fit passer de 60 à 62 ans l’âge de la retraite en 2010, puis la réforme Touraine en 2014 qui accélérait l’allongement de la durée de cotisation pour l’obtention d’une retraite à taux plein et l’inscrivait dans le temps long. La question que se pose bon nombre de nos concitoyens est : Que vaut une réforme qui, en trente ans, est remise régulièrement sur l’établi ? D’autant que durant ces trente dernières années droite et gauche confondu n’ont pas engagé une véritable politique de soutien à la natalité. Une telle fréquence n’est-elle pas le signe que le système, lui-même, est à réformer et que son pronostic vital est engagé ? Beaucoup d’éditorialistes ironisent sur les jeunes qui se mobilisent contre cette réforme. Les arguments que ces derniers présentent sont souvent désolants, mais ne doivent pas masquer une inquiétude réelle : l’immense majorité d’entre eux ont la certitude qu’en cotisant demain, ils n’auront pas le juste retour de ce à quoi ils ont cotisé.

 

Cette question du mot « réforme » s’accompagne d’une question subsidiaire : Avec une dette publique qui atteint les 3 000 milliards d’euros dont près de la moitié est détenue par des investisseurs étrangers, le défi de la France ne résiderait-il pas davantage dans la gestion de l’État que dans la question des retraites ?
En affirmant que cette réforme dépasse les seules retraites et qu’elle détermine la suite du quinquennat n’a-t-on pas pris le risque de faire de ce qui est, au fond, une adaptation du système aux prévisions démographiques, un enjeu politique ? Depuis les dernières législatives, l’exécutif est-il assez fort pour faire face à ce qui risque d’apparaître comme un référendum social et sociétal encouragé par les réseaux sociaux et leurs caisses de résonance contre Emmanuel Macron ? L’histoire du conflit qui s’annonce est loin d’être écrite mais la bataille de l’opinion va être primordiale.