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Tic tac, tic tac, TikTok…

CAHIER DE TENDANCE #127 | 3 MARS 2023

Gratuit Photos gratuites de afficher, afro-américain, anonyme PhotosLa pendule fait tic-tac-tic-tic, les oiseaux du lac pic-pac-pic-pic… et TikTok affine sa tactique pendant que les gendarmes européens et américains affirment la leur.
Autant dire que ça chauffe pour TikTok, la plateforme adulée des ados et post-adolescents. Une popularité dans le grand public inversement proportionnelle à la détestation que suscite la plateforme dans les hautes sphères gouvernementales américaines et européennes.

 

Derrière TikTok, la Chine. La nouvelle guerre froide est technologique, Silicon Valley contre Empire du Milieu. Jusqu’à il y a encore peu, les plateformes américaines dominaient les réseaux sociaux, Facebook, Twitter, Instagram, Youtube se taillaient la part du lion dans le marché des interactions sociales. Et TikTok s’est imposé. Vox populi, vox dei. Quelle que soit la plateforme digitale, ce sont toujours les utilisateurs qui ont eu le dernier mot. Les modes passent, les engouements sont parfois éphémères. Et à ce jeu, à ce jour, TikTok, avec son défilement infini de vidéos d’une minute, a eu le dernier mot et est venu ébranler la suprématie américaine. Levée de boucliers, l’enjeu est devenu géopolitique.

 

TikTok a su se rendre irrésistible en poussant à son paroxysme ce qui fait l’attractivité des réseaux sociaux : la possibilité pour tout un chacun de devenir du jour au lendemain une star, un influenceur, un leader d’opinion. Et last but not least, d’en vivre. La promesse des réseaux sociaux a été de donner sa réalité à la prophétie d’Andy Warhol pour qui chacun devait avoir droit à son quart d’heure de célébrité. Les réseaux sociaux ont donné le droit à l’éternité numérique pour le meilleur et pour le pire. TikTok et ses algorithmes ont juste accéléré le tempo. Certes, la Roche Tarpéienne est toujours aussi proche du Capitole, et Donald Trump en sait quelque chose, mais la dimension aspirationnelle des réseaux sociaux est indéniable. Le rêve américain à la portée de tous. Grâce à TikTok, le rêve s’est sinisé. Les utilisateurs s’en moquent. Ce qui compte c’est la possibilité de toucher au sublime, de recevoir l’adoubement, voire l’adulation de sa communauté, à grand coup d’emojis plein de cœurs, de smileys et de baisers. Le monde des Bisounours est en marche, le bonheur presque insoutenable.

 

Comme dans tout récit, il y a un côté obscur. Celui des algorithmes qui poussent les contenus susceptibles de déclencher le plus d’engagements, l’approbation à grands coups de likes, illustrant la volonté des plateformes de capter l’attention de leurs utilisateurs pour le plus grand bonheur de leurs annonceurs. Utilisateurs poissons rouge à l’attention volatile prêts à visionner des heures de vidéos de chats bondissants, de chorégraphies approximatives, de prosélytisme religieux, de théories fumeuses sur la platitude de la Terre et la domination reptilienne que nous cache l’État profond. Les psychologues s’interrogent sur l’impact de TikTok sur le développement cérébral des plus jeunes. Les gouvernements s’interrogent sur l’impact de TikTok sur la démocratie… et sur une possible surveillance voire carrément un espionnage orchestré depuis Beijing. L’affaire est grave, le Congrès américain examine un projet de loi visant à interdire TikTok sur le territoire américain après l’avoir banni de smartphones des fonctionnaires de toutes les agences fédérales. Tout comme au Canada. Et en Europe où l’appli est persona non grata dans les smartphones des fonctionnaires et membres de la Commission européenne. Le retour du Péril Jaune, l’angoisse du Cheval de Troie.

 

À l’heure où la Cour Suprême américaine doit prendre une décision sur le maintien ou non de la Section 230, disposition constitutionnelle exonérant les plateformes numériques de toute responsabilité quant aux contenus qu’elles diffusent, à l’heure où le Digital Service Act va s’appliquer en Europe pour protéger la vie privée des citoyens et la démocratie, on entre dans un nouveau paradigme. L’âge d’or du Far West ou du Far East des réseaux sociaux est probablement derrière nous. Il ne nous restera plus qu’à nous dénicher de nouvelles sources d’angoisses… Les intelligences artificielles comme ChatGPT et consorts. On vit une époque formidable ! Tic-tac, tic-tac, TikTok…