Brisures

CAHIER DE TENDANCE #130 | 24 MARS 2023

Certains se souviennent peut-être de ce poème d’un auteur injustement oublié, Sully Prudhomme :

« Le vase où meurt cette verveine
D’un coup d’éventail fut fêlé ;
Le coup dut l’effleurer à peine :
Aucun bruit ne l’a révélé. (…)
Toujours intact aux yeux du monde,
Il sent croître et pleurer tout bas
Sa blessure fine et profonde ;
Il est brisé, n’y touchez pas. »

Il semble, aujourd’hui, parfaitement adapté à la situation politique et sociale. La réforme des retraites est la mère de toutes les colères. Il suffit juste pour s’en convaincre d’observer un cortège pour relever la multiplicité des revendications qui dépassent le seul retrait du texte. La crise – puisque crise il y a – que nous traversons est la résultante d’une fracture qui ne cesse de s’amplifier depuis plusieurs décennies (événements de décembre 1995, loi sur le CPE de 2006, etc.). Aussi faire porter l’entière responsabilité du climat social et politique sur les épaules de l’actuel président de la République apparaît pour le moins facile. Ce qui est en jeu va bien au-delà de la réussite ou de l’échec d’un homme.

Ce qui est en cause estt à la fois un modèle social et un système qui se trouvent placés sous les feux des projecteurs. Modèle et système qui reposent sur la survivance d’une classe moyenne dont la part s’est considérablement érodée chez la plupart de nos voisins européens. Une étude de l’Institut Montaigne soulignait que l’évolution des classes moyennes constituait « la transformation majeure des dernières années ». Son auteur, le sociologue Julien Damon soulignait que la moitié de la population mondiale appartiendrait sans doute bientôt à la classe moyenne mais que l’on assistait « à deux phénomènes inverses » : l’affirmation des classes moyennes des pays en développement, d’une part, et le relatif déclin des classes moyennes occidentales.
Pendant un temps, la France a fait figure d’exception dans la plupart des pays développés. C’est même sans doute – bien plus que la position sur la guerre en Irak et ses rodomontades « villepinesques » – ce qui aura marqué la présidence de Jacques Chirac : maintenir en respiration artificielle la classe moyenne. Mais depuis, la fêlure n’a cessé de progresser. Cette classe qui assurait une assise à notre démocratie est, en réalité, en miettes.

N’y touchez pas. Elle est brisée.

PS : Vous allez trouver via le lien suivant (L’inflation, un enjeu pour les marques) une étude édifiante sur l’inflation et les réseaux sociaux, réalisée par notre prestataire Visibrain. Nous vous la soumettons, il suffit juste de s’inscrire. Avec 3,3 millions de posts publiés (juste en français !), l’inflation s’impose comme un sujet majeur en 2022. Ce volume sans appel est 7 fois supérieur à celui de 2021 et 18 fois supérieur à celui de 2020. Comment en parle-t-on ? Quels sont les secteurs les plus mentionnés par les internautes lorsqu’ils évoquent la hausse des prix ? Quelles marques sortent du lot sur le sujet ? Autant de questions abordées dans cette étude où vous pourrez retrouver : L’analyse quantitative de la thématique inflation, le classement des secteurs et des marques les plus associés à la hausse des prix et, surtout, trois exemples de marques ayant transformé ce sujet crisogène en opportunité.

Bonne lecture !