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Desinfluencing

CAHIER DE TENDANCE #131 | 31 MARS 2023

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Le mot qui conteste, qui proteste et qui fait retourner leur veste aux influenceurs. Il est né sur TikTok en janvier dernier et a déjà été utilisé plus de deux cent cinquante millions de fois. Il dénonce la surconsommation et montre sans doute l’ineptie de la nouvelle influence née dans les années 2010.

 

Influenceur est la conséquence d’une évolution sémantique : blogueur puis blogueur-influenceur puis influenceur. Il fallait retirer la dimension technique pour ne pas faire peur aux ambitieux et se ranger à la toute-puissance des plateformes sociales. La nouvelle définition pourrait être résumée en un mot : linéaire. Les 150 000 personnes qui s’affublent de cettequalité proposent pour la très grande majorité, de mettre en avant, contre rémunération, des produits plus ou moins de grande qualité sur leurs réseaux sociaux. Comme un linéaire donc, avec une communauté parfois bêtifiante.

 

Depuis la semaine dernière, l’Assemblée nationale est saisie d’une proposition de loi relative à la « Lutte contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux ». Une ambition des députés, pas du Gouvernement. Et pourtant, le texte initial ne ressemble plus à celui déposé par les députés Stéphane Vojetta (Renaissance) et Arthur Delaporte (Socialiste – Nupes). C’est même Bruno Le Maire qui a annoncé, alors que la loi est toujours en commission, que la chirurgie esthétique, les filtres ou encore les services financiers allaient être soumis à des règles drastiques sur les réseaux sociaux. Ses prises de position se sont retrouvées dans le nouveau texte de loi… Le ministre garde ainsi son leadership sur les sujets numériques. Il a même gagné des followers lors de cette séquence de communication.

 

Mais, ce que Jean Massiet, influenceur politique, craignait dans une tribune dans le Journal du dimanche est arrivé. L’article 2D créé et écrit par le Gouvernement pose l’idée de la labellisation des influenceurs : « Il est institué un label national : Relations influenceurs responsables ». Il sera décerné aux personnes contribuant à la prévention des arnaques et des dérives. Déjà certains parlent du retour d’un vieux travers français : la collaboration. Si elle est acceptée par les plateformes, toutes non-françaises, cette catégorisation entre les certifiés et ceux qui ne le seront pas, renverra à la vieille idée de la valorisation sociale de certains par rapport à d’autres. Depuis quelques mois, cette séparation est d’ailleurs progressivement abandonnée par les plateformes. Twitter a même annoncé l’annulation de toutes les certifications gratuites, sans fixer le calendrier du cens à venir.

 

Et nous voilà face à un signal faible paradoxal : Un influenceur qui veut désinfluencer, mais en quête de labellisation, aura-t-il une activité suffisante pour recevoir le titre espéré alors que les plateformes ne veulent plus autre chose que des utilisateurs à forte communauté à louer à des annonceurs ? Sans doute assistons-nous au début d’un changement d’ère. Après le succès fulgurant d’une caste de personnes se comportant tels des linéaires, le mot « influenceur » va-t-il recouvrer sa véritable définition : personne qui parle à l’oreille d’une autre pour l’aider à faire ses choix.