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Cobelligérant

CAHIER DE TENDANCE #123 | 03 FEVRIER 2023

Gratuit Ligne De Soldats Walkin PhotosCobelligérant. Si l’on reprend Le Robert, ce mot désigne la poursuite d’une guerre en coopération contre un ennemi commun sans traité formel d’alliance militaire. Les cobelligérants peuvent se soutenir matériellement, échanger des renseignements et avoir une coordination opérationnelle limitée. Voilà pour la définition.

 

Il y a bien longtemps que le vocabulaire politique a cessé d’appartenir à des concessionnaires exclusifs. Jadis le terme « cobelligérant » a été forgé puis employé pour désigner d’anciens États satellites et alliés de l’Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale. Mais les temps ont changé. Les mots et les idées sont devenus nomades et passent indifféremment les frontières politiques. Ainsi la cobelligérance vient-elle à nouveau de faire irruption sur la scène publique pour qualifier, cette fois, les pays qui soutiennent l’Ukraine face à l’agression russe. Quel est le motif de cette brusque apparition non dépourvue d’arrière-pensées qui secoue les opinions engourdies par une année de guerre en Ukraine comme un malade se réveille sous les claques de l’anesthésiste ?

 

Depuis un an, l’Occident est au bord de franchir la ligne rouge au-delà de laquelle il se trouvera en situation de cobelligérance. L’Ukraine a sommé ses alliés de « cesser de trembler devant Poutine » et a demandé des chars lourds. Et notamment des chars Leclerc, des équipements français. Volodymyr Zelenski est là dans son rôle quand il interpelle l’Occident : « Je peux vous remercier des centaines de fois, mais les centaines de merci ne sont pas des centaines de chars ». Le commandement de l’armée ukrainienne qui s’est particulièrement illustré dans ce conflit craint un retournement de situation. Il ne s’agit pas d’une crainte tactique. Ses généraux soulignent que cet automne, l’armée russe perdait du terrain et que, dernièrement, elle semble être passée à l’offensive dans l’Est du pays.

 

Tous les stratèges intervenant sur les plateaux de télévision et les professeurs en droit international nous l’affirment : livrer des armes ne constitue pas – ou plus – de la cobelligérance. La preuve : la vente d’armes est un marché très lucratif et des États comme la France font des livraisons d’armes lourdes sans que l’on considère pour autant qu’ils participent directement à un conflit armé.
Mais s’agit-il ici d’un enjeu juridique ou d’un enjeu politique ? Suffit-il de répéter que nous ne sommes pas en guerre pour convaincre l’adversaire, surtout si ce dernier est un maître dans la mauvaise foi, le mensonge et la désinformation ? Peut-on parler d’escalade militaire quand il n’y a toujours pas de troupes américaines, allemandes, françaises, anglaises ou polonaises en Ukraine ? Comme le rappelait dernièrement Jean-Louis Bourlanges, « il y a simplement une volonté d’aider un pays agressé à se défendre et à ne pas le laisser mourir ».