Assujetir

CAHIER DE TENDANCE #120 | 13 JANVIER 2023

Le ministre de l’Économie a lancé une consultation pour savoir comment l’État devait gérer les influenceurs. Sa communication épouse les codes des réseaux sociaux. Pour traiter d’un sujet, ne faut-il pas utiliser les codes de ceux qui doivent participer ? Là, le ministre promeut son message dans les réseaux sociaux avec une vidéo jouant la proximité et une interpellation affective « J’ai besoin de vous ». Pourtant, à bien y réfléchir, les influenceurs sont des citoyens comme les autres…

Le Président de la Fédération Française de Football après sa sortie discutable sur Zinedine Zidane et dans la position « metoo-esque » qui est la sienne, n’est pas démissionnable par sa tutelle. Il doit faire ce choix. Alors, nombreux sont ceux qui ont pris la parole dans la presse ou les réseaux sociaux : de la ministre des Sports aux amoureux du foot, du porte-parole du Gouvernement aux nombreux professionnels dont Kylian Mbappé. Son tweet a été vu plus de cent millions de fois. En milieu de semaine, Noël Le Graët « a décidé » de se mettre en retrait révèle le communiqué de la FFF. Son fidèle vice-président le remplace.

Le vote sur les retraites à l’Assemblée nationale n’est pas plus libre. Alors que le Président de la République est dans une séquence « en proximité » soit par qualité avec son passage sur France 2 dans Les rencontres du Papotin (meilleure audience des quatre premiers épisodes), soit par ricochet avec la mise en scène de Brigitte Macron sur TF1 pour les pièces jaunes, il fallait éviter l’utilisation du 49-3. Dans ce contexte empathique, avec un sujet aussi humain que les retraites, céder aux Républicains certains points était essentiel pour que le moment ne soit pas heurté.
Et parfois la pensée sur un sujet vient d’une punchline dans la presse.

Pendant tout le dernier trimestre, des journaux comme Vosges Matin, le Dauphiné Libéré ou L’Est Républicain – amplifiés par les réseaux sociaux – se sont emballés sur la certitude que le houblon (donc la bière) faisait reculer la maladie d’Alzheimer. Pendant trois mois, les brasseurs ont bénéficié de ce coup de pouce. Il aura fallu une contre étude publiée par l’AFP cette semaine pour corriger l’information. Que vaut la démonstration de l’existence d’une fake news quand les recherches Google continuent de mettre en avant quelques pages sur la contre-vérité ?

Toutes ces soumissions sont le résultat d’interactions humaines. Elles ont leurs limites. Imaginons un autre assujettissement, celui généré par une utilisation maligne de l’application d’intelligence artificielle ChatGPT. Demain, avec l’IA tout est possible. Une fois éduqué à contrer les arguments sur un sujet et à prendre la main dans le référencement Google que restera-t-il à la vérité ? Nous ne pourrons plus dire avec Michel Rocard qu’il faut « Toujours préférer l’hypothèse de la connerie à celle du complot. La connerie est courante. Le complot exige un esprit rare ». En revanche, il est urgent de se poser la question de savoir « À qui profite le crime ? ». Demain est déjà aujourd’hui.