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Nanterre 1 – Marseille 0

CAHIER DE TENDANCE #144 | 30 JUIN 2023

Selon la formule consacrée, à l’heure où nous bouclions ce cahier de tendances, il était impossible de déterminer qu’elles allaient être les suites des nuits d’émeutes qui se sont étendues dans les banlieues mais aussi dans les métropoles et les villes moyennes. Il était, en revanche, tout aussi impossible, de ne pas souligner à quelle vitesse deux séquences de communication viennent de se succéder au point même de se superposer.

 

Au début de cette semaine, le président de la République était dans la capitale phocéenne. Une ville qu’il affectionne particulièrement au point de s’y être rendu plus souvent que Jean-Luc Mélenchon quand celui-ci était député de Marseille. Macron y a fait plusieurs annonces importantes et a pris plusieurs bains de foule. Il n’avait aucun mal à montrer sa profonde connaissance des dossiers et pouvait même amorcer un dialogue constructif avec les élus en place. Enfin l’exécutif reprenait la main après le tintamarre des casserolades, ce qui était confirmé par les sondages, parus hier, marquant une remontée du chef de l’État dans les enquêtes d’opinion. Las, cette remontée qui venait couronner une séquence parfaite fait, aujourd’hui, figure d’une jolie bulle irisée.

 

Un coup d’épingle qui était un coup de feu l’a fait éclater. La tragédie a obscurci le ciel comme une rage d’été. Les réactions à la mort du jeune Nahel ont montré combien le multiculturalisme heureux présenté par celui qui fut le disciple de Paul Ricoeur masquait une réalité beaucoup plus sombre. Certains ont tenté de préserver l’acquis de la visite marseillaise en soulignant, hier, combien le Vieux Port avait su se tenir à l’écart de ces scènes de pillage et de saccages. Malheureusement, il devait déchanter ce matin en apprenant que la ville était, elle aussi, dans la nuit tombée au champ d’horreur.

 

Il serait injuste et paresseux de qualifier le chef de l’État de « président des crises » (révoltes sociales, Gilets jaunes, pandémie, guerre en Ukraine…) comme le font certains observateurs. Car si l’on regarde attentivement, tous les chefs d’État – démocratie, démocrature ou dictature – se trouvent, aujourd’hui, confrontés à des crises d’une extrême violence qui proviennent soit des profondeurs telluriques de leurs pays soit de la dérégulation du monde. Ce qui fait la différence entre ces dirigeants est de deux ordres : la réactivité qui bousculera forcément l’État profond et l’aptitude à définir un cap qui permettent d’avancer et de ne pas être un bouchon balayé par les tempêtes.

 

Pour revenir à Emmanuel Macron, comment ne pas noter que celui qui ambitionnait de nous faire prendre pied dans le Nouveau monde n’en finit pas d’être confronté à l’Ancien ? On ne compte plus ces dernières quarante-huit heures les références aux émeutes de 2005 et, de même, certains ne se sont pas privés de souligner que le plan mis en place à Marseille ressemblait furieusement à ceux défendus autrefois par un certain Gaston Defferre. Est-ce au point qu’il faudra bientôt reprendre comme slogan : « Cours, cours camarade, l’Ancien monde est devant toi… » ?