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Dessine-moi une « écologie à la française »

Que retiendra-t-on des annonces du chef de l’État à l’issue du si attendu Conseil de planification écologique qui s’est tenu cette semaine ? Comme l’ont rappelé différents éditorialistes de Challenges à l’Opinion, les mesures concrètes présentées dans ce cadre étaient souvent connues, citons pêle-mêle la production d’un million de pompes à chaleur françaises d’ici la fin du quinquennat, le financement de RER métropolitain ou l’offre de leasing à 100 euros par mois pour aider les gens à faible revenu à pouvoir acheter les véhicules électriques… Certains diront que les documents préparés, bourrés de données, soulignant les objectifs de réduction des gaz à effet de serre, secteur par secteur, montrent que le secrétariat général à la Planification écologique, organisme interministériel placé sous l’autorité d’Elisabeth Borne et créé l’année dernière, tourne à plein régime et c’est tant mieux. Gageons que, dans quelques semaines, la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie sera en mesure de fournir des objectifs clairs en matière d’énergies renouvelables, d’énergie nucléaire.

 

En fait, ce que l’on a surtout retenu de cet exercice obligé et gratifiant puisqu’il permet de s’auto-congratuler du bon bilan climatique français, ce sont les grands mots employés : Une « écologie à la française, souveraine, juste ».

 

Commençons par le dernier mot, mais pas le moindre : « juste ». Rendre juste la transition écologique n’est pas une mince affaire. L’exécutif garde en souvenir les effets de la taxe carbone et la limitation à 80 km/h avec les « gilets jaunes ». Il n’est pas question d’abandonner ni de punir les ménages modestes, les agriculteurs ou les habitants des zones rurales qui dépendent de la voiture, ni d’interdire les chaudières à gaz domestiques. On a un peu de mal à cerner ce qu’est l’écologie juste. À moins que le chef de l’État veuille dire par là qu’il veut une écologie de raison, juste l’écologie.

 

Que penser du mot souverain ? « Notre dépendance aux énergies fossiles nous coûte 120 milliards par an. C’est le coût de notre dépendance », a déclaré le président de la République. Avec la volonté de réduire à 40 % la place des combustibles fossiles d’ici à 2030, Emmanuel Macron souhaite une « écologie qui crée de la valeur économique », un pays plus « souverain » qui reprenne le « contrôle ». L’intention est bonne. Le problème est que nous sommes liés par le Pacte vert européen qui impose, à tous les pays européens, d’arriver à la neutralité carbone en 2050. C’est l’Europe qui a interdit les moteurs thermiques d’ici à 2035 et fixé un objectif de pompes à chaleur. Changer la donne ? Difficile alors que la confusion règne dans certains pays voisins comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni en matière de politique climatique.

 

Reste l’expression « à la française ». L’inspiration vient, peut-être ici des jardins « à la française » après le dîner de Versailles. Les mots suggèrent l’harmonie, la perspective et l’action créatrice de l’homme. Qu’est-ce qu’une écologie à la française ? Eric Le Boucher dans Les Échos voit se dessiner là une troisième voie entre la réglementation et l’innovation technologique : « la France trace son propre chemin, nous dit-il, peu de pays disposent d’un président capable de mettre en route un tel projet, réaliste, mesuré, calculé et presque financé ». Premières pousses d’un récit écologique.