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« Vous n’avez pas honte ? »

 

Qu’on l’aime ou non, cette semaine Jean-Pierre Elkabbach a, une nouvelle fois, fait l’actualité. Il est devenu tout à coup l’un des sujets le plus évoqués sur les réseaux sociaux et tous les médias en ont parlé. Il a presque éclipsé les punaises de lit. Ce « Vous n’avez pas honte » était la première question qu’il posât à Marine Le Pen lors d’une interview sur Europe 1 en janvier 2015 pour mettre en lumière son absence à la manifestation de soutien à Charlie Hebdo, victime du terrorisme. Il ne la questionnera plus. Elkabbach s’est tu mardi pour toujours.

 

 

Jean-Pierre Elkabbach était un maître de l’interview politique pour certains, un animateur d’émission politique pour d’autres, un patron de médias pour les derniers. Il était aussi le symbole d’une façon de mettre en scène l’information et, comme l’exprime Thomas Legrand, « une incarnation de la proximité décriée entre journalisme et politique ». Son point d’orgue fut sans doute l’interview pugnace de François Mitterrand le 12 octobre 1994, où il arracha à un président très affaibli des mots sur sa maladie et son passé pétainiste.

 

 

Comme un pied de nez de l’Histoire, ce certain sens du journalisme disparaît le jour où les Etats généraux de l’information sont installés. Avant le lancement de ses États Généraux, le Président de la République, Emmanuel Macron, expliquait pendant la campagne électorale de 2022 qu’il voulait « protéger l’information libre face aux ingérences ». Installés cette semaine, l’ambition a été répétée : « garantir le droit à une information fiable pour tout le monde ».

 

 

D’ailleurs, les Français sont appelés à faire des propositions jusqu’au 12 novembre via le site etats-generaux-information.fr. Le feront-ils ? Quand on sait que le Journal du Dimanche a augmenté ses ventes depuis le changement de direction et que 71 % des Français estiment que « les médias ne s’intéressent pas à la véracité de l’information, uniquement à l’audience », il est loisible d’en douter.

 

 

Une autre analyse de l’opinion montre que le téléspectateur « avale » plus facilement la publicité qui entoure une émission joyeuse qu’un programme larmoyant. Et pourtant, il aime aussi consommer l’information sujette à excès voire à caution, à haute dose, à en juger la montée des audiences des chaînes d’infos depuis une dizaine d’années. Le téléspectateur avec l’information n’est pas à une contradiction près.

 

 

Un dernier sondage Toluna-Harris Interactive. « Les gens sont perdus dans le flot d’informations qui leur arrive. A 82 %, ils s’estiment surinformés », alors même que cette information leur paraît, à 68 %, décalée par rapport à leurs attentes. Encore une contradiction.

 

 

Alors la question est : ces États Généraux sont-ils une nouvelle quadrature du cercle ou est-ce une nouvelle mise en scène de l’information qui ne déplairait pas à un certain Jean-Pierre ?