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À bonne école ?

Trois ans après la décapitation de Samuel Paty, l’assassinat de Dominique Bernard par un autre terroriste sonne comme une tragique et terrible répétition.

 

Dans les temps sombres que nous traversons : un professeur ne prévoit pas de mourir dans l’exercice de son métier à l’inverse du militaire ou du policier.

 

On peut et on se doit d’admirer les enseignants pour le travail qu’ils accomplissent et pas seulement quand l’un des leurs est tué.
On a fini par l’oublier, mais celui qui enseigne les humanités enseigne aussi l’humanité.

 

Parce que l’idée que « penser », c’est d’abord et avant tout penser contre soi et les siens, n’est plus communément acceptée dans le monde. Douter de tout y compris de son propre doute, écrivait Montaigne. Il faut sans cesse rappeler que l’école demeure la dernière thébaïde où cette activité est encore possible.

 

C’est l’ennemi qui vous désigne, disait en substance Julien Freund, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d’amour et d’amitié, vous pouvez répéter en mantra « Vous n’aurez pas ma peine », rien n’y fera. S’il a décidé que vous êtes son ennemi, il vous est difficile d’échapper à cette condition.

 

Le fait que l’école soit une cible privilégiée ne relève pas du hasard. Ceux qui ont connu le terrorisme des années 70-90 se souviennent, sans doute qu’il prenait pour cible le plus souvent des politiques ou des patrons. On est ainsi passé d’Aldo Moro et George Besse à Samuel Paty et Dominique Bernard.

 

Dernièrement, un philosophe relevait l’origine du mot « Boko Haram », organisation terroriste islamiste déployée en Afrique. Cela signifie littéralement « Livre (book) impur ». Les écoles sont considérées comme un lieu dangereux pour tous ceux dont les convictions sont fondées sur l’ignorance. Et ce n’est pas non plus un hasard si les filles en sont chassées.
Il n’est pas possible que des professeurs aient la boule au ventre quand il s’agit de donner un cours sur la Seconde Guerre mondiale et le nazisme parce qu’ils savent ce qu’ils encourent parfois en évoquant le sort des Juifs et en prononçant le mot « Shoah » qui a fini dans certains collèges par devenir tabou. De même qu’il n’est pas possible d’entendre des propos antisémites ou homophobes comme il n’est pas possible pour un professeur de fermer les yeux sur une tenue manifestant une appartenance religieuse.

 

Les belles âmes qui considèrent que Gabriel Attal en fait trop et agit par opportunisme politique n’ont pas compris que les chiffres donnés par le ministère témoignant de la radicalisation dans l’enceinte scolaire ne sont que la partie immergée de l’iceberg. Le ministre connaît les nombreuses raisons de la rareté des signalements par rapport au nombre de faits réels. Il en a pris la mesure, toute la mesure.

 

Une précision pas si inutile : dans le pays qui porta comme un flambeau Les Lumières, il n’y a toujours pas d’établissement scolaire public portant le nom de Samuel Paty.

 

20/10/2023