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Bien fermer la porte en tartan

L’histoire se passe non pas à Hollywood mais à Holyrood, bâtiment qui abrite le Parlement écossais. Le Premier ministre indépendantiste écossais, Humza Yousaf, qui appelait à la prière du vendredi depuis son bureau, a démissionné après s’être fâché avec ses alliés les Verts sur la question de la prescription des blocages de puberté pour les jeunes transgenres. Il y a quelques années, cette dystopie aurait paru risible ou issue de l’imagination féconde de l’auteur Riad Satouf. Aujourd’hui, cette anecdote est gonflée par l’air du temps.

 

Rappelons donc qu’il y a un an, Humza Yousaf était devenu le chef de gouvernement de cette nation du Royaume désuni et, de fait, le premier dirigeant d’une nation européenne de religion musulmane. Il arrivait à Bute House, résidence des dirigeants écossais après une grave crise interne au sein de son parti. Il remplaçait, en effet, la populaire Nicola Sturgeon placée en garde à vue. Celle que les tabloïds avaient surnommée la Reine d’Écosse, idole des anti-Brexit, avaient été emportée par la tourmente judiciaire en raison de l’inculpation de son mari pour détournements de fonds.

 

Dressant le bilan d’Humza Yousaf, Le Monde est critique : « Les listes d’attente pour recevoir des soins à l’hôpital public (NHS Scotland) sont tout aussi longues qu’en Angleterre, les morts par overdose dans les rues de Glasgow sont toujours aussi alarmantes, les performances scolaires des jeunes Écossais sont moindres qu’ailleurs au Royaume-Uni… ».

 

Reste un point : la mise en œuvre de la loi sur les discriminations qu’il avait initiée lorsqu’il était ministre de la Justice. La fameuse Hate Crime and Public Order Act qui inscrit dans la législation « l’incitation à la haine » envers des individus pour leur âge, leur handicap, leur religion, leur orientation sexuelle, leur identité transgenre ou l’intersexualité ». Ce dernier a scandalisé notamment J.K. Rowling l’autrice de la saga Harry Potter qui a estimé scandaleux que les législateurs écossais semblaient avoir accordé plus d’importance au sentiment des hommes qui « interprètent leur idée de la féminité, même de manière misogyne opportuniste, qu’aux droits et libertés des femmes et des jeunes filles ». Pour avoir défendu l’idée que certains hommes pourraient en profiter pour se faire passer pour des femmes afin de les agresser plus facilement, dans des vestiaires, des toilettes ou des prisons, la romancière avait été clouée au pilori, et même menacée de mort. Or, le débat sur les questions liées aux transgenres fait à nouveau rage Outre-Manche depuis que le mois dernier a été rendu en Angleterre un rapport prônant la plus grande prudence sur les traitements hormonaux et les inhibiteurs de puberté proposés aux jeunes questionnant leur genre. Cela en raison notamment du manque de données fiables sur le sujet. Cette étude de 400 pages a été rédigée par l’éminente pédiatre Hilary Cas. C’est dans ce contexte que les Verts écossais ont souhaité assurer le recours aux blocages de puberté pour les jeunes transgenres au risque de faire chuter le gouvernement indépendantiste.

 

Laissons la conclusion à l’éditorialiste du Financial Times qui est assez cruel : « La démission de Humza Yousaf n’est pas seulement l’histoire d’une incompétence politique personnelle, écrit Robert Shrimsley, elle met également en lumière une réalité dangereuse pour le SNP. Ce dernier n’écrit plus l’Histoire de la politique écossaise. Au contraire, il est devenu l’histoire ».

 

03/05/2024