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Dramaturgie budgétaire

Dans toute bonne dramaturgie, une fois les faits exposés, les personnages en place, les arcs narratifs à peu près définis, les péripéties défilent avec plus ou moins de rythme selon le talent du metteur en scène ou du réalisateur. Jusqu’à la scène finale. La confrontation ultime.

Le western a codifié les scènes finales, en créant des situations, souvent prévisibles, et pourtant intenables pour nos nerfs mis à rude épreuve pendant les longues et intenses minutes les précédant. La vie réelle nous réserve, elle aussi, son lot de séquences dramatiques. Tout comme la vie politique. Le budget de l’État, par exemple. Contexte : les finances sont dans le rouge. Arcs narratifs : il faut faire des économies et trouver des recettes. Personnages sur le plateau : le chef du Gouvernement, une palanquée de ministres, de secrétaires d’État et de silhouettes en arrière-plan, etc. Climax : la présentation du plan d’économie. Scène finale : Hôtel Matignon. Le PM dégaine et égrène les mesures. Deux jours fériés en moins ! Effet de blast garanti ! Instant suspendu ! Sidération ! Un sujet qui fâche les croyants, les non-croyants, les anciens combattants, les travailleurs, les non-travailleurs solidaires des précédents, et tant d’autres catégories que nous manquons de place pour tenter d’en dresser ici la liste exhaustive. Et soudain ça défouraille dans tous les sens, de droite comme de gauche. On se projette directement dans l’univers de Sam Peckinpah et Quentin Tarantino.

Sauvera-t-on pour autant le budget, la République, les finances de l’État ? Vous le saurez dans un prochain épisode dont le tournage n’a pas encore commencé. Les perspectives électorales plus lointaines ajoutent quelques arcs narratifs qui vont épicer la suite ! Nous sommes impatients !

Dans le monde entier, les scénaristes s’en donnent eux aussi à cœur joie ! À Washington DC, que l’on parle de taxes douanières ou de livraisons d’armes à l’Ukraine, les changements de pieds sont tellement rapides, que les arcs narratifs mutent en sacs de nœuds. Et je coupe le son, et je remets le son. On n’est plus sûrs d’adorer. Il y a sûrement une logique, inutile de basculer dans la psychanalyse de bazar, le complotisme ou l’expertise toxicologique hasardeuse. Mais si logique il y a, nous avons un peu perdu le fil de la narration.

Serait-ce le constat inexorable de notre déclin cognitif ? Encore un coup fourré des IA, c’est écrit partout. Il n’y a que ChatGPT qui essaie de nous convaincre du contraire pour épargner nos psychismes fragiles. Une chose est sûre, il va nous falloir faire une pause. Mais quand ? Un jour férié ? Allo, Matignon ?

 

18/07/2025