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Fossilflation

CAHIER DE TENDANCES #147 | 1ER SEPTEMBRE 2023

À l’heure de la rentrée et des nouvelles résolutions, le sujet de la vie chère fait de la résistance et continue d’inquiéter les Français. Un seul chiffre pour s’en convaincre : sur un an, les prix des produits alimentaires ont augmenté de 12,7 %. Du jamais-vu depuis les années 1970.

 

Le grand coupable s’appelle l’inflation. Une inflation dont les Français avaient depuis 30 ans (presque) oublié l’existence. Elle a ressurgi brutalement au sortir du Covid. Nombre d’économistes ont alors expliqué qu’il s’agissait d’un phénomène transitoire : rattrapage des prix après les fermetures, tensions transitoires dans les chaînes de valeur mondiale, etc. Bref, après la poussée de fièvre, l’inflation reviendrait vite à la normale.

 

Ce n’est pas ce qui s’est passé : l’inflation, même si elle reflue depuis quelques mois, reste à un niveau inédit depuis maintenant 2 ans. Elle a atteint en rythme annuel 5,1 % en France en juillet 2023.

 

Une telle persistance de l’inflation invite à se tourner vers d’autres explications que la conjoncture. Des économistes comme Jean Pisani-Ferry, des institutions comme la BCE, l’OMC, des fonds comme BlackRock ou Goldman Sachs commencent à faire entendre une tout autre musique : et si le retour de l’inflation était aussi un phénomène structurel ?

 

Premier facteur structurel : la fin de la grande mondialisation commerciale, qui a fait pression sur les prix durant les années 2000, notamment à la suite de l’entrée de la Chine dans l’OMC. Cette mondialisation est aujourd’hui à l’arrêt, pour ne pas dire en recul. Partout les barrières protectionnistes se multiplient et le monde se fragmente en blocs commerciaux. Le protectionnisme a comme conséquence directe de faire monter les prix des importations et des produits domestiques protégés. La patronne de l’OMC l’a d’ailleurs rappelé cette semaine à Jackson Hole. De plus, les pays développés entament la relocalisation de leurs chaînes de valeur, ce qui augmentera les coûts : la quête de souveraineté, par ailleurs légitime, aura un prix, celui de l’inflation.

 

Second facteur structurel : la transition climatique, qui vient alimenter une inflation verte. Tout d’abord, le réchauffement se traduit par la multiplication d’événements extrêmes qui ont un impact direct sur les coûts et les prix, à l’image des sécheresses qui augmentent le prix des denrées alimentaires. Ensuite, le prix des énergies fossiles va augmenter tendanciellement, notamment avec la généralisation de la taxe carbone, ce que la BCE dénomme la « fossilflation ». Enfin, les technologies propres sont coûteuses à produire. Par exemple, les batteries des voitures électriques nécessitent d’utiliser du lithium, ce qui a fait augmenter son prix de plus de 1000 % depuis 2020. Certes, on peut anticiper que les capacités d’extraction de métaux et minéraux vont augmenter demain. De même, le développement des technologies vertes va permettre de réaliser progressivement des économies d’échelle et de tirer parti également d’économies d’expérience. Mais tout cela va prendre du temps. La transition verte ne sera pas instantanée. Bienvenue dans le monde de demain et, malgré tout, bonne rentrée !