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L’Europe à hue et à IA

Une vraie mis en garde au moment où les Européens s’apprêtent à se rendre dans l’isoloir. Ils vont apprendre que dans son ambition de devenir un leader mondial de l’intelligence artificielle, l’Union européenne a un long – un très long chemin à parcourir. Dans un rapport d’audit sans concessions remis cette semaine, la Cour des comptes européenne (CCE) parle d’objectifs à la fois « trop vagues et obsolètes » en matière d’investissement dans l’Intelligence Artificielle. Obsolètes parce que les instances décisionnaires pilotant cet immense chantier donnent l’impression de s’être arrêtées en 2018 quand elles étaient si fières de qualifier l’Intelligence Artificielle de « technologie stratégique majeure du XXIe siècle ». Vagues parce que leur manque d’ambition contraste singulièrement avec l’objectif de création d’un écosystème d’IA compétitif au niveau mondial. Voilà pourquoi la CCE tire, aujourd’hui, la sonnette d’alarme et estime qu’il est « grand temps d’accélérer la cadence ». Mais la cadence vers quoi au juste ?

 

Car contrairement à ce qui a pu être écrit, la Commission ne se contente pas d’un « peut mieux faire » ne serait-ce que parce que cette question est cruciale pour le devenir même de l’Union européenne. Nous savons tous que l’intelligence artificielle englobe diverses technologies émergentes, notamment la robotique, les mégadonnées, le cloud et les neurosciences dont l’Europe doit s’emparer de toute urgence face aux États-Unis et à la Chine si elle souhaite demeurer encore une zone économique attractive. Or, le rapport publié par la CCE est sans appel. Intitulé « L’UE face au défi de l’intelligence artificielle », il souligne qu’il n’y a pas de progrès possibles sans une gouvernance renforcée et sans investissements plus importants et mieux ciblés. Ainsi, le rapport indique que l’Union européenne peine à développer l’écosystème européen d’intelligence artificielle et n’a pas réussi à doper suffisamment les investissements dans le domaine de l’IA pour faire jeu égal avec les leaders mondiaux du secteur.

 

La Commission européenne répondra à ce rapport qu’elle a pris, depuis 2018, de nombreuses initiatives pour stimuler le développement de l’IA. Le problème est que ces initiatives ont été moins tournées vers la recherche et l’investissement qui n’ont pas fait l’objet d’un suivi systématique que vers la réglementation et la mise en place d’infrastructures. En bref, durant ces années si décisives, la Commission européenne a, d’abord, cherché à mettre en place une IA éthique davantage qu’une IA de pointe à l’inverse toujours des États-Unis et de la Chine. Il est difficile de ne pas voir dans cette démarche le péché originel de l’Europe tel qu’elle s’est construite jusqu’à présent.

 

Le 14 juin 2024, la Cour des comptes européenne organisera une table ronde sur le thème de l’UE face au défi de l’IA. Elle sera diffusée en direct sur YouTube.

 

31/05/24