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L’IA au cœur des clivages politiques

Plusieurs sondages montrent que l’IA est déjà devenue un sujet de société à part entière. Selon une étude de l’institut IPSOS, 51% des Français disent ne pas être effrayés par l’IA. Pour 69% des sondés, l’IA participe au monde du travail par l’usage des logiciels. L’utilisation et l’impact de l’IA dans le monde professionnel ont été étudiés par Pôle Emploi. L’étude montre une disparité d’usage de l’IA selon les secteurs d’activité : l’industrie (50%), la finance (44%), le commerce (40%) et l’agriculture (58%) l’utilisent particulièrement, contrairement aux secteurs de la construction et du service aux particuliers. Pour un tiers des sondés n’utilisant pas l’IA, cela viendrait d’un manque de compétences. Selon le Conseil National du Numérique la force de l’habitude ralentira considérablement la vitesse de diffusion des nouvelles technologies.

 

Dès 2017, l’Exécutif s’est emparé du sujet.

 

Dès 2017, Emmanuel Macron a chargé Cédric Villani d’une mission sur la mise en œuvre d’une stratégie française et européenne en intelligence artificielle. Depuis, le développement de l’intelligence artificielle et son impact sur la société est de plus en plus présent dans les déclarations de l’Exécutif. En mai 2023, Emmanuel Macron a appelé à trouver un équilibre entre innovation et régulation et a annoncé l’investissement de 500 millions d’euros pour l’IA et le lancement d’une mission pour mesurer les impacts économiques et sociaux des technologies d’IA. Enfin, le gouvernement vient d’annoncer la création d’un Conseil stratégique de l’intelligence artificielle qui proposera des mesures pour développer une filière de rang mondial et faire des recommandations sur les enjeux d’éthique et de régulation.

 

Lorsqu’elle était ministre du Travail, Elisabeth Borne a créé LaborAI, un centre de ressources et d’expérimentations pour mieux cerner l’intelligence artificielle et ses effets sur le travail, l’emploi, les compétences et le dialogue social.

 

A VivaTech en juin 2023, Bruno Le Maire a appelé l’UE à investir massivement dans l’innovation et le développement des systèmes d’IA, avant de réguler des technologies étrangères, afin de renforcer la souveraineté française et européenne.

 

La Secrétaire d’État chargée de l’Europe, Laurence Boone, estime de son côté qu’il faut distinguer le modèle d’IA de ses usages, jugeant ainsi qu’une interdiction brutale de ChatGPT ne serait pas efficace.

 

Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé du Numérique, répond régulièrement aux inquiétudes des parlementaires sur l’IA. Depuis le début de l’année, plus de 50 questions ont été posées par les parlementaires, axées sur la stratégie nationale pour l’IA et le soutien à l’émergence d’acteurs français et européens. Plusieurs parlementaires ont aussi réagi à l’étude menée par Goldman Sachs,  s’inquiétant des 300 millions d’emplois potentiellement détruits par l’IA. Malgré l’omniprésence du sujet dans les discours de l’Exécutif, ni les politiques ni les médias français ne se sont saisis du sujet dans toute sa complexité (pas de reprise grand public des thèses américaines, pas d’étude sérieuse menée au niveau national).

 

L’intelligence artificielle nouvel « épouvantail » brandi par les extrêmes ?

 

De nombreux parlementaires, novices sur le sujet, sont en demande d’informations sur l’IA et ses impacts économiques et sociaux : Ils vont régulièrement à la rencontre d’entreprises du secteur de l’IA pour mieux comprendre leurs modèles, les usages et l’impact sur l’emploi (i.e. Paul Midy qui a visité ArtefactDigital et Alan). Sentant monter le sujet des impacts social, économique et politique de l’intelligence artificielle, les partis d’opposition commencent à se positionner en vue des prochaines échéances électorales.

 

Le Rassemblement National intègre désormais les peurs liées à l’IA dans ses thèmes de prédilection, au même titre que l’immigration, la bioéthique ou le transhumanisme. Jordan Bardella, Président du RN, considère ChatGPT comme une forme de nouveau  » grand remplacement ». Il souhaite ainsi toucher de nouveaux électeurs, notamment parmi les classes moyennes les plus aisées que le RN a du mal à séduire, en prédisant que l’IA aura un impact similaire sur les cadres supérieurs que la révolution industrielle sur les ouvriers. Lors d’un débat organisé par Valeurs Actuelles, Jordan Bardella a positionné clairement son parti : « La prochaine grande crise sociale qu’on devra tous affronter sera suscitée par l’intelligence artificielle, qui va bouleverser énormément d’emplois. Il faut déjà réfléchir à adapter l’entreprise et la société à ce défi. »

 

La France Insoumise s’est timidement positionnée sur l’IA et l’emploi à l’occasion des élections présidentielles 2022: « L’intelligence artificielle, il ne faut pas en avoir peur. En remplaçant certaines tâches, l’IA va libérer du temps. Pour produire encore plus de chômage ? Ou bien de la réduction du temps de travail ? Nous optons pour la réduction du temps de travail.»

 

Les Républicains reconnaissent les avantages potentiels de l’IA mais s ‘inquiètent de son impact sur les emplois qualifiés et ont fait des propositions pour les protéger.

 

Dans une contribution écrite, Les Verts reviennent sur les milliers d’emplois supprimés par le progrès technologique (i.e. machinisme) et appellent à revenir à du travail qui a du sens : les robots doivent être pensés comme des aides au travail, et non en remplacement du travail.

 

L’ancien candidat à la présidentielle pour le Parti socialiste Benoît Hamon a réagi aux propos de Sam Altman, CEO d’Open AI, qui appelait à créer de meilleurs emplois grâce à l’IA, en proposant de penser le bien-être au travail et en utilisant l’IA pour réduire le temps de travail et permettre un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.

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