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Tigre de papier

Cette expression a été rendue célèbre par une interview du président Mao Zedong qui cherchait à qualifier Taïwan et les États-Unis. Elle était la traduction littérale de l’expression chinoise « zhǐ lǎohǔ » désignant une chose ou une personne apparemment menaçante, mais en réalité inoffensive.

 

L’expression a connu un succès planétaire et fut reprise par des politiques, des artistes, des écrivains avant de disparaître peu à peu de notre vocabulaire à l’orée du XXIe siècle. Mais comme ce qui a été pensé une fois, éternellement demeure, elle resurgit ces derniers temps. Elle sert toujours à désigner ce que nous prenons pour une menace et qui, pourtant, peut s’écrouler dans un grand courant d’air de l’Histoire comme un château de cartes.

 

Une enquête parue récemment dans Le Figaro désigne, de fait, le mouvement woke comme un tigre de papier. Qu’y apprend-on ? Qu’aux États-Unis, la politique de soutien des minorités mise en avant par de grands groupes industriels nourrissent tellement la polarisation de la société que certains sont tentés de faire machine arrière. Un exemple : en réponse à la mort tragique, en mai 2020, de George Floyd, Lego avait trouvé opportun de « suspendre « par solidarité » ses publicités pour ses figurines de policiers ». De même, Disney « dans son souci de n’offenser personne a fini par lasser ses admirateurs » quand il décide de censurer Les Aristochats, pour les moins de 7 ans, « afin de préserver les enfants de la vision supposée raciste d’un chat siamois jouant du piano avec des baguettes. »

 

L’ironie éditoriale veut que ce soit précisément au moment où nous sommes abreuvés d’essais sur le wokisme (presque un ouvrage par semaine) que ce dernier enregistre des défaites aux USA, entraînant les marques qui l’ont trop aveuglément suivi, dans leur chute. Disney a ainsi glissé en quelques années de la 4e à la 77e place au classement des marques les plus populaires aux États-Unis, réalisé par Axios-Harris.

 

« Le monde du business s’était engagé en politique pour séduire des consommateurs en quête de sens, souligne l’enquête. Il s’est très vite retrouvé dépassé par son invention, alors qu’aiguillonnés par des campagnes militantes, leurs clients se transformaient en inflexibles activistes ». Anheuser-Busch en a fait les frais, il y a peu. Sa très populaire bière Bud Light a subi une baisse de 24 % de ses ventes entre avril et juin, en raison du lancement tambour battant d’une campagne publicitaire en association avec une influenceuse transgenre. Du coup, les stars de la musique country se sont mobilisées pour appeler au boycott de la marque de bière.

 

L’enquête évoque aussi le cas Larry Fink, puissant patron de BlackRock, la plus grosse société de gestion d’actifs et d’investissements au monde avec près de 10 000 milliards de dollars n’utilise plus l’acronyme ESG (environnement, social, gouvernance). Ce dernier étant aujourd’hui, selon lui, manié comme « une arme politique ». Il considère que cet acronyme est devenu le champ clos d’un affrontement entre l’extrême gauche et l’extrême droite. « Je ne veux pas être la police de l’environnement, c’est une erreur de demander au secteur privé d’assumer un tel rôle ». Ce qui est le cas de l’environnement peut être constaté dans d’autres domaines sociétaux comme le religieux. Sephora ne s’attendait pas à une telle bronca en passant sa publicité mettant en scène des jeunes femmes portant le hidjab pour jouer au foot.

 

Maintenant, il faut demeurer prudent avec ce mouvement de balancier. Tout d’abord, parce que la France a bien souvent dix ans de retard sur les phénomènes de société que l’on constate aux USA. Ensuite, parce que Mao a eu beau avoir qualifié de tigres de papier Taiwan et les États-Unis. Ils sont toujours là et bien là.